Publié le mercredi 17 novembre 2010 à 07H14
FOOTBALL A 82 ans, Miguel Sanchez est toujours aussi passionné. Chaque dimanche, il officie en tant que juge de touche et ce n'est pas l'agression dont il a été victime qui le fera rester chez lui.

Miguel Sanchez est depuis plus de 50 ans au service des jeunes footballeurs havrais (photo M-P. S.)
Personne n'a oublié le coup de pied de Nigel De Jong en pleine poitrine de Xabi Alonso en finale de la Coupe du monde. Et chacun, mis à part l'arbitre et son simple carton jaune, avait condamné cette agression caractérisée, espérant ne jamais revoir ce vilain geste sur un terrain.
C'est pourtant un geste identique mais plus condamnable encore qui s'est produit sur le stade de Mont-Gaillard voilà deux semaines. Comme chaque dimanche lorsqu'il y a besoin, Miguel Sanchez (82 ans) prend le drapeau et sa moitié de terrain pour assister l'arbitre de la rencontre Mont-Gaillard - Tréfileries. Son club mène 3-2 à quelques minutes de la fin, lorsqu'un joueur du club hôte part en contre le long de la ligne de touche, le ballon sort. Il lève son drapeau, l'arbitre siffle et Mont-Gaillard poursuit l'action jusqu'à l'égalisation. Le but est logiquement refusé.
« Le capitaine vient alors vers moi pour me demander des explications… Je n'ai pas eu le temps d'en donner et je n'ai rien vu arriver », raconte celui que tout le monde surnomme « Michou ». Un joueur furieux lui assène un coup de pied en pleine poitrine qui le projette au sol. Heureusement le gros blouson qu'il porte amortit le choc et Miguel peut se relever sans séquelle. « L'arbitre a stoppé la rencontre et tout le monde est rentré aux vestiaires dans le calme. Quand des anciens qui jouaient sur un autre terrain ont appris ce qu'il venait de faire, ils sont allés le chercher. Que lui ont-ils dit ? Je ne sais pas mais il était en larmes en venant me présenter ses excuses », poursuit Miguel sans la moindre rancune dans la voix mais avec une pointe d'incompréhension.
Geste exemplaire, les dirigeants de Mont-Gaillard ont déchiré sa licence et renvoyé le joueur chez lui sans même attendre la décision de la commission de discipline…
Un sentiment d'injustice
Si Miguel Sanchez jure qu'il ne retournera jamais sur ce stade, il n'a pas l'intention d'abandonner son rôle de dirigeant auprès des U17 et des seniors (PH). Lui qui depuis plus de 50 ans a partagé sa vie entre Les Neiges (40 ans) et les Tréfileries, lui qui a décroché la Coupe de Normandie avec ses juniors en 1984 et sorti Pascal Pain, retournera sur les pelouses sans crainte.
« C'est vrai, c'est un sentiment d'injustice qui prédomine aujourd'hui. J'ai donné toute ma vie au football, je ne me suis jamais senti en danger et je n'avais jamais été agressé. Je ne comprends toujours pas ce qui a pu lui passer par la tête… »
Mais Miguel apprécie trop les jeunes pour les abandonner sur ce mauvais geste. Il aime trop les entendre lui lancer : « Ça va le pépère, vous étalez ? » Et de leur montrer que même sur une contre-attaque, effectivement, il étale…
Rachid Aamchoune: «Je prends vraiment du plaisir»
Les agressions sur les arbitres ou juges de touche sont heureusement rares. Ces dernières semaines pourtant, outre le cas de Miguel Sanchez, un arbitre a eu son maillot déchiré lors de Tréfileries - Goderville… Deux cas qui ne perturbent en rien Rachid Aamchoune, 22 ans, arbitre depuis 6 ans et qui n'a jamais pensé raccrocher son sifflet.
Trouvez-vous que l'état d'esprit se dégrade sur les terrains?
Rachid Aamchoune: «Non pas du tout. En Ligue il n'y a aucun souci. Plus on monte dans les divisions et plus ça se passe bien. Mais au niveau District, je trouve que les jeunes sont souvent mal encadrés. Les dirigeants vont trop dans leur sens lorsqu'ils critiquent les arbitres, ils ne tiennent pas leur rôle de pédagogues.»
Quels sont les matches les plus difficiles à arbitrer ?
«Les 19 ans incontestablement et surtout dans les derbys. Ils se connaissent, se charrient et les rivalités sont fortes sur le terrain. Personne ne veut perdre de peur des moqueries qui suivront dans la semaine. Là, on ne désigne pas n'importe quel arbitre.»
Y a-t-il des règles à modifier, des améliorations à apporter pour que les arbitres connaissent moins de problèmes?
«D'abord les arbitres doivent se souvenir qu'ils ont parfois la possibilité de revenir sur leur décision. Ensuite, je crois qu'il serait bon que chaque match de district soit supervisé par un délégué. Les embrouilles seraient tout de suite prises en compte sans attendre les versions des uns et des autres. On pourrait au moins envoyer un représentant sur certains matches car ce sont souvent les mêmes arbitres qui ont des soucis. On voit tout le temps les mêmes en commission.»
Sera-t-il, selon vous, de plus en plus difficile de trouver des arbitres?
«Non pas du tout. Beaucoup de jeunes passent l'examen d'arbitre pour l'argent de poche que ça génère. Au minimum, on touche 52,50€. Après, selon la distance, le niveau, l'heure ça peut aller jusqu'à un maximum de 160€ pour un match sur le département. En gros sur 20 jeunes qui passeront leur examen, 18 l'obtiendront au final une douzaine poursuivront. C'est quand même pas mal.»
Avez-vous un jour pensé à raccrocher crampons et sifflet?
«Non jamais car franchement, je n'ai jamais connu de problème. Je suis un passionné de l'arbitrage, j'y prends vraiment beaucoup de plaisir. Actuellement, je siffle en DH et DHR et j'ai envie de passer l'examen pour évoluer en CFA…»
Marie-Paule Salmon

